Bertrand Pullès, Directeur Associé, Gérant Extendam
Aujourd’hui j’ai eu la chance d’être invitée à participer à la Fabrique du Tourisme par Extendam Capital Partners acteur incontournable de l’investissement hôtelier, pour une matinée de think tank, parrainée par Serge Trigano, iconique fondateur de Mama Shelter.
Le sujet des cette matinée était « Les nouveaux leviers de création de valeur dans l’hospitality » Voici les thèmes proposés par La Fabrique du Tourisme, et ses équipes :
► Le constat de la Fabrique du Tourisme©: La crise sanitaire et économique a fragilisé notre secteur mais aussi révélé de nouveaux signaux faibles. De nouvelles dynamiques émergent dans un environnement toujours plus concurrentiel et devant faire face à des risques nouveaux. Anticipons ensemble notre futur.
► La mission Fabrique du Tourisme©: Bpifrance, MKG Consulting et Extendam se sont donnés pour objectif d’apporter à la profession une prise de hauteur nécessaire à la progression de leurs activités que ce soit en identifiant les nouvelles tendances en France et à l’International, en partageant des leviers de création de valeur originaux ou en mutualisant des dispositifs d’intelligence économique. Œuvrons à l’attractivité et au rayonnement touristique de la France.
► La thématique de ce second opus : Que ce soit en termes d’architecture ou de service, l’hôtellerie s’est toujours montrée Avant-Gardiste. Des premières salles de bain en suite en 1906 au Ritz à Paris aux digital keys 110 ans plus tard chez Hilton, les innovations au sein des hôtels ont souvent été à l’origine de nombreuses évolutions sociétales, économiques et culturelles. La Fabrique du Tourisme #2 sera pour vous l’occasion de réfléchir, sous différents angles, à l’évolution de ce secteur en termes de produits et de services, dans ce contexte global de changement profond des tendances de consommation, et d’identifier les nouveaux leviers de création de valeur.
Les intervenants
- Béatrice Foucher (DS Automobiles) : l’hospitalité / l’automobile, parallèle entre deux secteurs en pleine réinvention
- Serge Trigano (Mama Shelter) : vision sur les enjeux de l’hôtellerie de demain et les évolutions du secteur
- Lois de Jorna (Pilgo / Le Bon Coin): les nouveaux modes de distribution du voyage
Beatrice Foucher DS automobiles Brand CEO
Béatrice nous a proposé un parallèle très intéressant entre le secteur automobile et le secteur hôtelier.
Le marché premium automobile se porte bien et de mieux en mieux ! il représente 34% du profit mondial de l’automobile. On observe une réelle dynamique de ce marché. Il faut avoir un héritage, un nom pour exister dans l’automobile, un certain nombre de marques nouvelles arrivent, mais la notion d’histoire a une valeur mais attente de la part des clients d’un groupe automobile qui va créer et innover. Pour incarner la France il faut que les clients reconnaissent ce savoir faire du luxe dans les voitures.
Nous voulons proposer une autre façon de vivre l’automobile, une autre expérience client.
Dans les voitures et les espaces de ventes, fut pensée une sellerie avec une confection inspirée des Maîtres Selliers, au savoir faire ancestral. Ils ont voulu proposer au client une expérience totalement différente. Dans les boutiques, canapés, boissons, parfum, au-delà de l’expérience purement automobile.
Ce secteur est challengé en permanence. La voiture était l’outil de la liberté. Les constructeurs ont noté un changement de comportement du consommateur. Des contraintes règlementaires et écologiques. la digitalisation.
Le consommateur a moins besoin d’être propriétaire, on achète des km plus qu’une voiture. La relation à l’automobile n’a par contre pas changé sur le champ émotionnel. Ma voiture et moi, elle me transporte, me protège.
Les idées :
Comportement du consommateur : la notoriété de la marque est essentielle. L’expérience et l’objet construisent la marque. Ils ont commencé à travailler sur la mobilité à la demande. Béatrice cite l’ exemple d’un valet qui viendra chercher la voiture et vous la rapportera le soir une fois réparée. On allège les obligations vis-à-vis de la marque, et on met en développement pléthore de services : location de voiture pour un week-end, offre multi véhicules, etc…
De la contrainte à l’opportunité : globalité et simplicité. Un changement de paradigme oblige à simplifier les offres. Exemple : le passage à l’électrique nécessite de simplifier au maximum pour le consommateur. DS va diviser par 50 la complexité vue par le client. Ils sont obligés de travailler sur la chaîne de valeur de leur business.
L’excellence : il faut être les meilleurs. Raconter cela. On décidé d’être les meilleurs en F1 électrique. Ont été champions du Monde de l’écurie, et leurs pilotes aussi. Apportent la preuve de leur capacité à innover. Il faut revendiquer d’être les meilleurs quelque part.
Plusieurs dimensions de l’expérience digitale dans l’automobile. Technique de conduite autonome. Intégration androïd dans l’architecture de la voiture. Grand axe de travail sur comment simplifier la relation au client. En 4 clics le client doit pouvoir commander et acheter sa voiture sur le WEB. Sont entrain de le préparer. Créer de l’immersion et de l’expérienciel. Comment évoluer entre l’héritage et l’innovation. Les normes qu’on leur impose est générateur de valeur. On leur impose l’électrique cela les force à simplifier.
Ecouter nos clients est fondamental. Réinventer le modèle. Créer des univers fluides et des expériences sur mesure.
Serge Trigano, Co-Fondateur de Mama Shelter
Serge Trigano, Co-Fondateur Mama Shelter
La vision d’aujourd’hui est avant tout une leçon d’humilité. La crise nous l’a apprise. Les fondamentaux de notre métier restent très bons. Il existe une classe moyenne qui continue de consommer les hôtels. Un équilibre mondial est maintenu (contrairement aux guerres qu’on connues nos parents et grands-parents) et la réalité d’un vieillissement de la population : de plus en plus de gens vont avoir du temps libre et un pouvoir d’achat.
Un certain nombre de facteurs restent positifs. De grands acteurs hôteliers aussi et acteurs financiers qui soutiennent notre secteur. Notre métier va rebondir et plus fort que prévu.
La crise nous amène à repenser nos business modèles. Il faut mieux intégrer les enjeux de l’environnement. C’est le cas de tout les autres secteurs : Airbus repense des avions moins polluants.
De nouvelles tendances comme le télétravail modifient grandement la donne.
Serge Trigano pense que le télétravail a ses limites notamment sur la créativité. Rien ne remplace de se retrouver ensemble pour réfléchir. Les entreprises auront toujours besoin de se réunir et de se confronter.
Il y aura un mouvement d’exode des grandes villes, ce qui amène à modifier les plans de développement et à implanter des hôtels dans des villes secondaires. Des paramètres autres : la sécurité restera primordiale.
Un enjeu fort : celui du respect des populations locales. Ne plus s’enfermer dans des hôtels isolants sur l’environnement local. Comment intégrer l’approche locale sur des clientèles qui viennent d’ailleurs.
Serge Trigano parle de tourisme populaire. Tant mieux si des millions de gens peuvent aller à Venise ou se promener dans Paris. Pour ces gens-là c’est le rêve de leur vie d’aller voir la Tour Eiffel et il faut le respecter.
Le tourisme populaire fait partie du monde de demain. Laissons vivre le tourisme populaire !
Notre métier est une évolution permanente. Ces mêmes gens qui envahissent les rues de Paris seront demain ceux qui voudront des séjours plus pointus et recherchés.
Serge Trigano est optimiste sur le futur de notre métier. Pour lui les grands concurrents restent Air B&B et il faut capitaliser sur l’humain et fidéliser des femmes et des hommes à nos métiers. L’enjeu est le logement, les temps de transport sont longs, peut être qu’il faut intégrer la dimension logement dans nos hôtels.
Pour Serge Trigano, l’avenir va se jouer sur le service. C’est sur la qualité de service que l’on fera la différence.
Comment peut-on créer de la valeur dans nos métiers? Comment être capable de raconter une histoire.
On peut créer des marques qui portent des valeurs. Dès que la marque porte des valeurs à un niveau d’excellence on peut faire des belles choses.
Lois de Jorna Co-Fondateur de Pilgo, Directeur Commercial Next-Le Bon Coin
Loïs de Jorna, Co-Fondateur Pilgo
Pilgo a été rachetée par Le Bon Coin. (lien vers article Travel Tech sur ce rachat) 1500 collaborateurs. C’est un site généraliste qui opère sur plusieurs secteurs. Ils ont compris que pour survivre il faut faire de la croissance externe. Ils ont racheté locasun et Pilgo (N.D.L.R un comparateur d’hôtels)
L’alignement entre le bon coin et Pilgo était de s’affranchir de Google. 98% de l’audience du Bon Coin vient en direct et non plus de Google. Il est important de savoir utiliser Google mais aussi concevoir le business en arrivant à être indépendant des distributeurs.
Le Bon Coin a mis la stratégie des petits pas en marche. On ne peut pas tout balayer du jour au lendemain. En revanche on peut le faire petit à petit. La société réalise aujourd’hui 400 M€ de CA et cela s’est fait petit à petit.
Le Bon Coin souhaite changer ses modèles et le faire petit à petit.
Ils veulent mettre en place un cercle vertueux. Faire en sorte que de plus en plus de monde vienne sur le site. Y attachent une importance quotidienne, le fait que le message des utilisateurs soit toujours clair.
On rend les utilisateurs à une consommation plus locale. Redécouvrir la France et la proximité durablement.
Le bon coin adresse uniquement la France et cela suscite l’engouement. Faire redécouvrir la France. Sa variété de paysages, d’expériences possibles. Peut être revenir à l’essentiel et se demander comment on peut re-séduire les Français et les clientèles locales.
Beaucoup d’optimisme.
Il n’y a plus de sens qu’un client Hollandais qui séjourne à Paris passe par une plateforme de réservations américaine qui est défiscalisée en Irlande
Travaux en groupe
Nous avons constitué des groupes de travail en mode « Think -Tank » afin de partager ensuite sur les thèmes évoqués. Le mien était le Capital Humain.
Comment confronter les enjeux opérationnels d’acquisition de talents et d’intégration et ensuite de fidélisation de ces talents.
En cette sortie de crise, nous aurons des enjeux énormes sur la marques employeur : à la fois chacun au sein de sa structure et hôtellerie en aussi en termes d’image du métier d’hôtelier sur le marché. Une marque forte arrive à attirer des profils diplômés et les marques employeurs sont nombreuses. Il ne faut pas oublier les collaborateurs qui sont dans la maison, et ainsi le développement des talents.
Besoins du collaborateur
1. Les rémunérations vont augmenter de façon significative « when you give peanuts, you will get peanuts » le constat est clair. La crise a exacerbé le sujet des rémunérations. Notre secteur a mauvaise image sur ce sujet et les talents qui veulent y travailler et/ou y rester sont de plus en plus rares.
2 Rythmes de carrière ultra dynamiques, et besoin de perspectives claires. Un cadre peut accepter d’être un peu moins payé mais cherchera le projet avant tout avec un employeur qui tienne ses promesses et sera à même de lui proposer un véritable projet de carrière en phase avec son projet de vie.
Si les conditions de travail sont souples, c’est un atout. Il faut aussi identifier également la stagnation des talents en interne. S’intéresser à ses forces en internes et leur proposer d’évoluer. La marque employeur va être clé. Notre secteur reste cependant un ascenseur social.
3. une Atmosphère de travail bonne, et la qualité de l’outil de travail. Développer les signes de reconnaissance tout au long de l’année. Personnaliser le management.
4. Comment donner de la richesse à notre métier. En prodiguant de l’intérêt sincère à l’humain. Nous avons identifié un énorme enjeux dans la mise en place d’une concertation avec les écoles hôtelières : 60% des étudiants de Lausanne ne veulent plus faire de l’hôtellerie. Il faut mener de vraies campagnes de communication qui revalorisent nos métiers. Top Chef a eu un impact positif sur le métier de Chef. Les jeunes ont identifié des univers qui leurs plaisent.
Comment demain revaloriser le métier opérationnel hôtelier, en communiquant sur un métier enrichissant et intéressant. Au-delà du concept, travailler sur l’image.
Il faut aussi que les gens qui travaillent au sein des sièges aillent faire des chambres pour se confronter à la réalité de l’opérationnel !
Enjeux du capital humain, conclusion :
Mettre en place une communication globale sur les métiers de l’hôtellerie : revaloriser notre métier
Entrer en concertation avec les écoles sur les programmes pédagogiques pour remettre l’opérationnel au cœur de la formation.
Avoir des réflexions sur les rythmes et équilibres personnel-professionnel.
S’appuyer sur la force de la réflexion collective.
Aspect finance
Thomas Lamson, Chief Development Officer, Apparthotels Adagio
Il faut répartir les risques dans le sens opérer une répartition des valeurs. Face à un fantasme des implants d’offres sur des tendances, entre répondre au besoin des clients et modifier son produit hôtelier, le temps de réalisation n’est pas le même.
Une des solutions est de travailler sur les produits existants, travailler aussi sur les usages, les transformer en espaces de co-living et de co-working. Une envie commune des propriétaires liée aux besoins de la part des collectivités et des communautés de repenser les développements.
Le RSE est également d’actualité dans le cadre des projets de développement hôteliers, dans la pensée d’une construction nouvelle et en phase avec l’environnement. Les classifications ne s’imposent pas à l’hôtellerie d’aujourd’hui. La chaine de valeurs doit fonctionner dans son ensemble. Si une obligation législative et légale est derrière le projet, et que tout le monde (promoteurs, hôteliers) joue le jeu, le coût supplémentaire de l’investissement green pourra alors être rentabilisé. Parfois les Maires ont un « fantasme » de l’hôtel 5 étoiles qui ne correspond pas forcément au marché, d’où le risque d’un produit mal calibré.
Il faut un contrat gagnant-gagnant entre l’investisseur et l’exploitant. Il faudra un meilleur équilibrage entre le propriétaire et le locataire. Aujourd’hui la situation reste avantageuse pour le propriétaire.
La création de valeur passe aussi par l’équilibre de la valeur. L’alignement des intérêts est la clé
Distribution et marketing
Les enjeux de la distribution son subis pas les hôteliers. Tout va très vite, et à la complexité de cette rapidité, on en rajoute une nouvelle qui est de s’adapter aux outils en permanence. Les hôteliers ont besoin de solutions complètes qui permettent de distribuer leurs services sur leurs sites.
Un des enjeux est la connaissance du client. Tout travaille autour de la notion de communauté.
Gestion opérationnelle
Dans la mixité des offres et des clients, se posent de vraies questions opérationnelles et de rendement. Quels ROI, profits, coûts directs ou indirects ?
Face aux enjeux de e-réputation, comment à gérer toutes ses offres, sa réputation. Sachant que le 1er centre de profit est l’hébergement et qu’un défaut sur un service dans un autre point de vente va impacter la note globale.
Ce que l’on va choisir d’offrir doit être adapté au lieu. Repenser son offre et la construire par rapport à l’environnement dans lequel je suis. L’intégration locale est clé. Chaque challenge est aussi une opportunité. Entant que professionnels du secteur, nous sommes indirectement responsables de notre environnement.
On a une responsabilité indirecte d’améliorer la vie locale, que les gens se sentent bien dans leur séjour globalement. Redonner aussi l’envie de rester longtemps sur la destination.
Il faut créer aussi des synergies locales, par exemple le client ne payerait plus sa note dans le restaurant de la localité mais directement en faisant son check-out, tout serait chargé sur la note de l’hôtel.
Nouveaux services, nouveaux usages. Comment arriver à être agile avec son propre matériel et avoir de nouveaux services hors de ses murs ?
Multiplier les expériences intégrées en dehors de l’hôtel.
Aller chercher aussi des idées ailleurs, dans les autres secteurs et localement. Il y a plein de manières d’optimiser et de rendre agile son bien hôtelier. Proposer des services aux voisins et aux habitants dans des destinations plus reculées par exemple.
Notion de service libre : il faudrait pouvoir proposer au client à la fois du click & collect et du service personnalisé. Les clients auront le choix de ne voir personne ou d’aller vers les équipes.
Conception de sites
Un constat qui sont les mêmes pour les acteurs grands groupes et propriétaires indépendants
L’hôtel a cette particularité de regrouper plusieurs activités et cordes à son arc pour se réinventer. Nous allons vers le développement d’actifs hybrides, sur le modèle Hollandais.
Comment amener plus d’hybridation ? a partir du moment où l’on s’interroge sur comment apporter plus de modularité aux espaces, on se confronte à la question de savoir dans quelle case administrative on rentre, au moment où il faut mettre en œuvre et remplir le permis de construire, on se heurte au frein réglementaire des normes sécurité, IRP, sécurité incendie etc…
Trouver du foncier est difficile, car plus les projets hôteliers sont hybrides plus ils requièrent un nombre de m2 important. Difficile en France d’avoir un accès direct au foncier, il faut passer par un promoteur.
Le grand atout de cette industrie du tourisme et de l’hôtellerie et qu’elle suit un trend très croissant depuis 20 ans. Cependant chaque fois que l’on essaye d’apporter de la mixité à l’intérieur des bâtiments on se rend compte d’un vrai frein lié aux contraintes administratives. Les investisseurs étrangers ne comprennent pas toujours les délais qui y sont liés.
Réinventer l’urbanisme d’un centre ville, par la mixité, développer des projets hôteliers par rapport à du logement ou des bureaux, l’hôtellerie à un prix de revient plus important et un prix de vente par forcément au RDV. Pour faire cette péréquation, il faut que les collectivités locales soient parties prenantes.
Solutions : cela va dépendre de la compréhension de la durée de séjour demandée par les clients, qui vont aller vers une catégorie (hôtel) ou une autre (résidentiel) si on veut construire des chambres plus grandes et transformables par rapport aux souhaits il faut qu’on puisse construire des hôtels plus résilient et pérenne, et surtout, flexible.
L’hôtel n’accueille pas seulement pour dormir mais pour offrir une expérience.
Il faut remettre de l’équilibre en l’hôtellerie, la résidence du tourisme, ou la résidence étudiante, dans une catégorie « d’hospitality » au sens plus large.
Enfin continuer de faire de moins en moins de constructions neuves au service de plus de réhabilitation qui coûte plus cher mais est plus éco-responsable.
Vivement la prochaine session et encore merci à La Fabrique du Tourisme pour cet évènement riche en réflexions co-constructives et en belles rencontres !
Valérie Bisch, Directrice Associée