Voici un article qui me taraude depuis longtemps et que j’ai enfin l’occasion de publier, cela grâce à trois femmes d’exception, Directrices Générales de Palaces, qui ont accepté de me raconter leurs parcours, leur expérience et comment elles vivent ce poste entant que femmes.
La parité, sujet dont on parle beaucoup aujourd’hui, en général. Qu’en est-il dans notre secteur de l’hôtellerie de luxe ?
…secteur particulièrement opérationnel, sur la fluidité ou au contraire, la difficulté pour les femmes d’accéder au graal du métier : Directrice Générale dans le top du top de l’hôtellerie de luxe: le Palace. Elles sont très peu nombreuses à avoir gravi les échelons pour arriver au poste de Directrice d’un Palace. A Paris, elles ne sont que deux…. Pour l’instant 🙂
Qu’est-ce qui les a animées au cours de leur carrière pour aller jusqu’à ce poste, graal ultime de la profession ? ont-elles rencontré des obstacles ? qu’est ce qui fait la différence par rapport aux hommes au même poste ? elles répondent.
Nathalie Seiler-Hayez, Directrice Générale de l’Hôtel Beau Rivage Palace de Lausanne
Parcours :
Diplômée de l’Ecole Hôtelière de Lausanne, Nathalie Seiler-Hayez débute sa carrière en Sales & Marketing. À 45 ans, elle a passé vingt ans dans des établissements à l’étranger et en France. Elle a notamment été directrice générale du Connaught Hotel, à Londres, au Grand Regent hôtel de Bordeaux. Depuis deux ans et demi, elle est Directrice Générale du Beau Rivage Palace, propriété de la fondation de la famille Sandoz, à Lausanne.
1/ Pourquoi avoir choisi l’hôtellerie de luxe ?
« L’hôtellerie ne s’est imposée pas imposée par hasard, j’ aimais la communication et les bonnes choses, étant gourmande, et aimant les gens. C’est un métier et de passion et cela s’est fait petit à petit » En rentrant à L’Ecole hôtelière de Lausanne, Nathalie était déjà convaincue que cela allait lui plaire. Elle a ensuite développé une vraie passion pour ce monde, appréciant le sens du détail et ce « coté cuiller au bon endroit » et aussi penser à ce que l’hôtel devra être dans 20 ans.
« Déjà en back office on voit tout ce qu’il faut faire pour arriver à ce que le client vive une expérience, extraordinaire »
2 / Pourquoi avoir voulu aller jusqu’au poste de General Manager ?
Cela n’était pas prématuré. Elle a commencé sa carrière en sales & marketing et n’avait pas du tout prévu de passer dans les opérations. Nathalie a vite compris comment se structurent le CA d’un hôtel et les besoins du client. Il lui manquait à ce poste en Ventes la dimension humaine et management et elle a ainsi voulu combiner les deux. Nathalie a trouvé cette dimension en Direction Générale. Une opportunité s’est présentée, et elle a saisi cette occasion.
Une fois dans les opérations, passée Hotel Manager, elle eut envie d’être GM, poste où le leader peut insuffler sa patte, c’est un métier passionnant d’être à la tête et d’incarner une maison
3/ Avez rencontré des freins entant que femme ?
« Il y a toujours des freins, mais j’ai eu la chance d’avoir des bons mentors qui m’ont appris et montré la voie et fait confiance »
« Ce qui est important est d’accepter qu’on est pas parfait, qu’on sait pas tout et surtout qu’il faut bien s’entourer. Apprendre à lâcher prise. Le succès d’un leader dépend de comment il sait s’entourer et c’est très complexe »
« Les freins sont dus au départ au fait qu’on ne se connait pas forcément suffisamment »
Dans les conseils d’administration où être seule femme n’est pas facile, dans un milieu d’homme. Par contre dans son métier, Nathalie est très aidée et accompagnée, elle n’a pas relevé de soucis entant que femme.
4/ Quelle différence selon vous entre une femme et un homme au même poste ?
« Une femme est plus émotionnelle, elle va prendre plus en compte le corps, le cœur l’esprit et la tête, pas que la tête »
Nathalie pense qu’une femme est plus en empathie et à l’écoute, dans l’esprit de créer une harmonie au sein d’un CODIR qu’un homme au même poste. Une femme contribue à une harmonie sans doute, il n’y a pas que la raison, Nathalie met de l’émotionnel. Une femme est plus dans l’émotion.
5/ Comment avec vous réussi à combiner vie familiale et vie professionnelle ?
« C’est un challenge de tous les jours de composer vie familiale et professionnelle. Il faut apprendre à lâcher prise sur des choses pour créer un équilibre »
« On ne peut pas briller et réussir dans tout »
« Combiner les deux, est une question d’organisation » Nathalie a eu plaisir de mettre un objectif comme courir le Marathon de NY mais il a fallu renoncer à certaines choses pour arriver. « Il faut accepter qu’on ne puisse pas être partout à la fois ». Nathalie s’organise pour faire le moins de diners professionnels possibles sauf ceux qui sont impératifs.
6/ Quelle conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent embrasser le même parcours ?
» Il ne faut pas avoir peur du travail ni d’aller vers les autres. Ayez confiance »
Il est important de comprendre quelles sont les problématiques métier de tous les services, et aller à la rencontre de ces gens qui font l’hôtellerie et comprendre leurs problématiques.
Il faut s’écouter, et écouter son instinct, son intuition féminine.
On doute tellement souvent, il faut apprendre à avoir confiance et il faut accepter de faire des faux pas. Si on a des choses à dire il faut les dire. Une femme doit apprendre à s’affirmer et ne pas avoir peur de dire ce qu’elle fait bien aussi.
Géraldine Dobey, Directrice Générale de l’Hôtel Barrière Le Fouquet’s Paris
Parcours :
Irlandaise d’origine, Géraldine Dobey, suit une carrière 100% opérationnelle. Elle commence son parcours en hébergement, Front Office Manager puis Hotel Manager, à Londres, avec Hilton, puis Directrice des Opérations et Directrice Générale. Elle quitte Hilton pour Mandarin Oriental Hotel Group, à Genève, pour prendre son poste actuel en 2015, chez Lucien Barrière, Directrice Générale de l’Hôtel Barrière Le Fouquet’s Paris.
1/ Pourquoi avoir choisi l’hôtellerie de luxe ?
« Ce choix s’est fait au hasard de mon parcours, j’avais choisi l’hôtellerie au départ ayant souhaité faire un parcours international avec l’idée d’avoir un jour ma propre affaire ou business à gérer » L’hôtellerie de luxe n’était pas un objectif en soi au départ, mais Géraldine fut charmée par l’exigence du détail au quotidien.
« Choisir l’hôtellerie de luxe est un vrai step à franchir, en gardant toujours la vision stratégique avec une forte pression du détail de la part du client et des investisseurs »
2 / Pourquoi avoir voulu aller jusqu’au poste de General Manager ?
Géraldine a choisi les opérations et la voie de la Direction Générale pour le panel de sujets et problématiques plus large à gérer, plus intéressant que la pratique d’une seule expertise. « Le panel des sujets à traiter et l’éventail des problématiques est plus important » explique-t-elle.
« Rencontrer les experts de chaque métier d’un hôtel est passionnant à ce poste «
« Gérer les potentiels humains, et également être en contact avec les propriétaires et les investisseurs est intellectuellement très enrichissant à ce poste » Géraldine nous confie aussi qu’être Directrice Générale est l’opportunité de travailler son réseau.
3/ Avez rencontré des freins entant que femme ?
Géraldine explique qu’elle n’a pas rencontré de freins spécifiques, mais plutôt des freins « comme n’importe qui » à savoir devenir légitime et obtenir des résultats.
Elle pense cependant que les femmes se mettent la pression naturellement pour délivrer du résultat, celles qui réussissent sont donc crédibles.
Géraldine a aussi eu des patrons, mentors qui l’ont soutenue et poussée à réaliser son potentiel.
4/ Quelle différence selon vous entre une femme et un homme au même poste ?
Selon Géraldine, la différence est la sensibilité ainsi qu’une approche pragmatique.
« Les femmes sont habituées à tout gérer en même temps, ce qui permet très tôt de mettre les sujets sur la table et de trouver des solutions »
L’approche avec plus de sensibilité est importante dans la gestion de l’humain ainsi que dans la prise de décision. Géraldine reconnait aussi que sa culture Anglo-Saxonne lui a aussi servi dans sa vision.
« Une femme qui prend des décisions ne revient pas dessus »
5/ Comment avec vous réussi à combiner vie familiale et vie professionnelle ?
Concilier les deux aspects vie privée/vie professionnelle est avant tout une question d’organisation, surtout si le conjoint travaille également. « il faut faire des choix et prendre des décisions personnelles aussi » Il lui est arrivé de refuser des offres qui ne correspondaient pas à son équilibre familial.
« J’ai adapté mon parcours en fonction de ma l’équilibre de ma famille. En ajustant, sans forcément changer de cap »
» Pour moi la famille passe en premier, il faut donc organiser et déléguer » Géraldine s’entoure des bonnes personnes et se donne les moyens, priorise et compose, aussi.
6/ Quelle conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent embrasser le même parcours ? »Avoir confiance, assumer son rôle et ses responsabilités »
Il faut avoir son franc parler mais l’affirmer de manière posée. Géraldine pense qu’il est important de faire son expérience à l’international jeune, « remplir son sac de voyage avec de l’expérience, en étant curieuse et en ayant confiance »
« Il faut prendre les défis sans hésiter »
Travailler en hôtellerie c’est commencer tôt le matin et finir souvent, tard le soir. C’est jeune que l’on peut le faire, s’impliquer dans son travail et comprendre ainsi la vie opérationnelle d’un hôtel. Important aussi selon Géraldine de « savoir prendre les remarques et tenir bon »
Apprendre de ses mentors pour développer sa propre opinion et réaliser ainsi son potentiel.
« On n’arrête pas d’apprendre, et encore aujourd’hui, j’apprends tous les jours »
Lena Le Goff, Directrice Générale Les Sources de Caudalie
Parcours
Après avoir passé la majorité de sa carrière au sein de grands groupes hôteliers internationaux, d’abord dans les fonctions Ventes et Marketing, notamment au prestigieux Grand Hotel de Bordeaux, Léna prend son premier poste de Directrice Générale au Grand Hôtel du Palais Royal, établissement 5 étoiles Parisien. Après une expérience réussie au sein de cet établissement familial et qualitatif, elle vient de rejoindre son poste actuel en tant que Directrice Générale des Sources de Caudalie, magnifique Palace au cœur du vignoble Bordelais, poste qui lui donne l’occasion de retrouver ses racines et sa région.
1/ Pourquoi avoir choisi l’hôtellerie de luxe ?
Quand Léna était étudiante elle s’est d’abord orientée vers un DEUG de langues, mais l’aspect très théorique ne lui plaisait pas. Son père ne prenait pas beaucoup de vacances mais au cours de leurs voyages elle a aimé la dimension esthétique des beaux hôtels, mais pas encore à l’époque, l’humain. Au moment de son Master à Chambéry ce sont la dimension du beau et de l’humain qui la font aller vers l’hôtellerie de luxe avec cette idée de vouloir faire plaisir aux gens.
2 / Pourquoi avoir voulu aller jusqu’au poste de General Manager ?
Léna reconnait pouvoir s’ennuyer dans la routine « le scope est plus large en tant que GM » explique-t-elle.
« Ce poste offre une vision complète à 360°, je suis plus une personne de vision que de détails. «
Léna explique également que c’est pendant l’un de ses stages où elle a eu envie d’occuper un jour le poste de Directrice Générale, pour pouvoir appliquer un management juste auprès des équipes. Elle avait travaillé 12h sans interruption et avait dû payer son taxi de retour chez elle, tard dans la nuit, de sa poche. Léna s’était dit que quand elle aurait ce poste, elle ferait différemment.
Un autre exemple d’un overbooking qui avait dû être remonté et une différence de cash en caisse également avancée par les employés.
« Être Directeur Général c’est faire quelque chose qui soit juste et avoir le pouvoir de le mettre en place. «
3/ Avez-vous rencontré des freins en tant que femme ?
Le fait de venir des fonctions commerciales pour passer vers les opérations fut un pas qu’elle aurait eu du mal à faire sans avoir un mentor qui croit en elle.
Léna considère avoir mis plus de temps qu’un homme pour arriver à ce poste, elle se souvient d’un entretien ou le Directeur Général de l’hôtel avait préféré un homme car elle était encore « trop fragile » pour le poste d’Hotel Manager.
« L’œil de la profession à une époque était critique à l’égard des premières femmes Directrices Générales, et il a fallu se positionner d’égal à égal. »
4/ Quelle différence selon vous entre une femme et un homme au même poste ?
La principale différence est une intelligence émotionnelle forte. Également un œil de Maîtresse de Maison.
Léna insiste aussi sur le « côté maternel » des femmes à ce poste, avec plus d’écoute, plus d’accompagnement du personnel en créant l’envie d’y aller de ses propres ailes.
6/ Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent embrasser le même parcours ?
» Il faut prendre la place et ne pas attendre qu’on vous la donne. «
Les femmes sont plus conditionnées pour attendre les autres « prenez la carrure du poste dès le départ, en se sentant légitime, sans attendre l’autorisation de progresser »
Un point essentiel est de savoir s’entourer des bonnes personnes, qui vont devenir vos Ambassadeurs et ceux de l’établissement.
« Il faut travailler sur les leviers de motivation et utiliser l’intelligence émotionnelle qui va au cœur «